Awrengzeb ou le début de la décadence
En 1657, Chah Djahan tombe malade et veut abdiquer en faveur de son fils Dara. Mais un autre fils, Awrengzeb, se fait proclamer empereur (1658) ; Dara est capturé, torturé,
exécuté avec tous ses enfants, tandis que Chah Djahan, enfermé dans le fort d'Agra, finit ses jours les yeux fixés dans le lointain, sur le Tadj Mahal. C'est un monstre qui accède alors au trône.
Inculte, méprisant les arts, il interdit chant, musique, danse, poésie, peinture. Austère, il s'habille de laine ou de coton et mange dans de la vaisselle en terre cuite. Bigot, il ne veut
construire que des mosquées ; on lui doit, à Lahore, la Badchahi (1671) qui complète heureusement celles de ses prédécesseurs. Fanatique, il ne s'intéresse qu'à la guerre sainte et, s'il a
continuellement à la bouche les mots de justice et de clémence, il ignore tout de ces vertus. Comme il est grand capitaine, il parvient à dominer presque toutes les Indes : ne lui échappe
que l'extrême sud du Deccan. Mais le succès est payé chèrement. Les finances publiques en souffrent, les terres sont laissées à l'abandon, la haine contre les Moghols enfle les cœurs de
tous : Hindous, Sikhs, Mahrattes ne se soumettent que pour reprendre les armes. Son long règne, jusqu'en 1707, sera fatal à la dynastie et aux Indes. Les victoires, la splendeur des villes,
la rigueur de son joug font illusion. Rien ne peut égaler les Grands Moghols !
Ce n'est pas à l'ingrat tombeau d'Awrengzeb à Khuldabad, près d'Ellora, qu'il faut
se rendre si l'on veut rêver à leur singulier destin, mais à Kabul, devant la dalle toute simple qui recouvre le corps de Babur et sur laquelle il est écrit : « Il conquit l'empire des
âmes et le monde des corps comme la lumière du matin et s'en alla au ciel ».
Jean-Paul Roux