Akbar, le souverain de l'unité et de la tolérance…
Pendant les années d'exil, son fils et successeur Akbar « le Très Grand » – jamais nom ne fut plus prémonitoire – mène une vie difficile et aventureuse. N'ayant, dit-on, jamais appris à
lire, il n'en est pas moins, avec Asoka peut-être, le plus remarquable souverain des Indes. Héritier à treize ans d'un empire encore chancelant, il laissera à sa mort, quarante-neuf ans plus
tard, un pays solide. Des Indes, mosaïque de peuples que rien ne rassemblait, il fait l'Inde, pays presque entièrement unifié ; fruit de ses conquêtes du Malwa, du Gujarat, du Cachemire, du
Sind, du Baloutchistan et de ses campagnes au Deccan – la grande affaire de son règne et de ceux de ses descendants – un pays de quelque cent à deux cents millions d'âmes, doté d'une industrie et
d'un commerce florissants ; tout l'or du monde s'y accumule, les villes sont plus peuplées que Naples et Paris, les hautes classes jouissent de moyens illimités et le peuple, sans être
riche, ne souffre pas de la faim. Akbar a d'ailleurs souci d'améliorer les conditions de vie de ses sujets. Il met fin au « règne du cimeterre », abolit l'impôt sur les non-musulmans,
essaye d'interdire les mariages précoces et l'immolation de la veuve sur le bûcher (sati). Il a conscience que rien ne peut être construit durablement si la haine perdure entre musulmans et
hindous. Il est, comme tous les Turco-Mongols, curieux des choses religieuses, soucieux d'organiser les églises et animé de cette tolérance dont son peuple a donné la preuve, notamment au
Xinjiang avec les Ouïghours ou dans les steppes avec les Khazars. Il fait d'ailleurs de la liberté de culte la pierre angulaire de sa politique. Il veille à ce que les conquérants n'imposent pas leur
religion. Il accueille et même attire les
jésuites – Jérôme Xavier qui vécut en Inde de 1595 à 1619 en porte témoignage – et organise, conformément à la tradition de ses aïeux, des débats
théologiques dans la « Maison d'adoration » (Ibadet Khane) qu'il fonde en 1575 à Fatehpur Sikri : prêtres hindous, jaïns, parsis, ulemas musulmans, missionnaires chrétiens y sont
invités à débattre en sa présence de leurs diverses fois. À son entourage musulman, il donne des gages en faisant construire partout des mosquées dont celle, immense, de Fatehpur Sikri, à
laquelle l'on accède par un véritable arc triomphal, le Buland Darwaza.
Cette ville de grès rouge, sortie de terre en quelques années, ensuite abandonnée – l'eau y manque – nous est parvenue intacte. Elle témoigne de l'esthétique akbarienne qui marie avec un rare bonheur les principes de l'architecture hindoue et islamique dans la forme très iranisée que les Timourides ont importée avec eux et qui s'affirme dans la tombe de Humayun, avec ces grands iwans que l'on dirait venus d'Ispahan.
Las des conflits idéologiques et des divergences inconciliables des points de vue, Akbar fait un nouveau pas en proclamant
l'extraordinaire dogme de son infaillibilité, puis en fondant la « religion divine », Din-i ilahi, très syncrétique. C'est ajouter à son pouvoir politique absolu un absolu pouvoir
religieux, réunir dans sa main plus d'autorité qu'un pape ou un calife. Si peu de gens semblent s'y être ralliés, elle devait cependant alimenter les discussions des historiens sur ce qu'ils ont
nommé l'apostasie du musulman Akbar.
… mais aussi le créateur d'une école de peinture
Une des plus belles réussites d'Akbar, et la plus durable si
jamais l'art est immortel, est la création de cette école. Humayun a ramené d'Iran des miniaturistes. Son fils les installe dans un atelier impérial, les comble de dons et leur rend visite chaque
semaine. Ainsi naît la grande école moghole de peinture. D'abord sous influence iranienne, elle acquiert en quelques années sa personnalité propre. Renonçant à illustrer les textes classiques,
les artistes se tournent vers l'observation de la vie quotidienne dans ses aspects les plus brillants – réceptions, chasses, batailles – mais aussi familiers – rêveries dans un jardin,
conversations sur une terrasse… Ils prennent pour sujet les fleurs, les plantes, les animaux, traités avec naturalisme, même si parfois ils servent à réaliser des compositions allégoriques, voire
fantastiques. Ils s'engouent pour le portrait sans complaisance des puissants, que les empereurs obligent à poser. Très tôt, les femmes servent de modèles et au XVIIIe siècle, en réaction
contre l'austérité d'Awrengzeb, dans des ateliers régionaux, la peinture pénètre l'intimité des gynécées : la femme à sa toilette devient un sujet favori comme les scènes amoureuses, parfois
galantes, parfois osées, qui ramènent l'Inde à ses antiques traditions de sensualité. Dès Akbar, passionné des œuvres apportées par les Portugais, l'influence européenne est sensible. On copie,
on imite, et le goût pour l'exotisme met à la mode les Vierges à l'enfant, les Nativités, les Méditations du rosaire, les figures des saints chrétiens et les visiteurs
étrangers.
A SUIVRE
Olivia 19/02/2009 04:07
Marie 18/02/2009 14:31
Olivia et Geoffroy 18/02/2009 11:53
Marie 18/02/2009 10:39