
Voici
une magnifique peinture qui a fait partie d’une exposition du Musée Guimet en 2006.
Il s’agit d’une gouache sur page d’album cartonné (36.5 x 47 cm) datant du milieu du XIX° siècle, auteur inconnu, et typique de l’art hindou de l’Inde Centrale (ville de Ratlam). Le titre de
cette œuvre est « Parade du Raja Shri Bhamvarji Bhuvani Singhji ».
Nous reproduisons tel quel le texte du catalogue rédigé par Anne Foster.
Entre le
cavalier et son cheval, notre coeur balance : ils ont si fière allure. L’homme, martial, brandit une épée. Sa tunique est tissée de fils d’or, tout comme son heaume surmonté de plumes et
d’une aigrette ; son bouclier est orné de tigres dévorant des boeufs et d’un homme attaquant un tigre... Pourtant, la monture est aussi belle – si ce n’est plus – que son cavalier. L’artiste
s’est délecté à rendre la douceur de l’oeil, juste aperçu derrière le chanfrein brodé comme la tunique de son maître, la crinière nattée de fils rouges et or, le collier de quatre rangs de perles
attaché sous l’encolure, les bracelets à chaque sabot. Le plumet et l’aigrette sont même plus imposants. À l’évidence, nous sommes face à un personnage important ! Rien moins que le raja
"Shrî Bhamvarjî Bhuvâni Singhjî", nous apprend l’inscription.
Pour souligner le pouvoir du raja, une suite de personnages l’accompagne – probablement des roitelets vassaux. Bref, nous sommes en présence d’un bel exemple de l’art hindou développé depuis la
seconde moitié du XVIIe siècle dans l’ouest de l’inde, dans les régions de Mewar et de Malwa. Le royaume de Ratlam, situé dans cette dernière province, fut fondé par Ratan Singh, qui régna
de 1652 à 1658. Selon la légende, le grand Chah Jahan lui aurait offert ce territoire pour le remercier d’avoir calmé son éléphant favori, qui dévastait les jardins du palais à Agra ! Ratan
Singh a aussi accompagné l’empereur moghol dans ses campagnes contre les Perses, à Kaboul et Kandahar. Nul doute qu’il en ait rapporté des exemples de leur somptueux art de cour, et les peintres
de miniatures vont atteindre une maestria jamais égalée par la suite. Chaque seigneur désire son portrait de profil sur un fond neutre, réclame des scènes le montrant fier guerrier, se délassant
auprès d’une de ses épouses, ou encore partant à la chasse. Un art courtois, en somme, à l’instar de notre culture médiévale, qui se perpétue dans l’école rajpoute. La noblesse indienne
appartient à la caste des guerriers kshatriyas, qui s’appelaient donc «rajpoutes», c’est-à-dire fils des rois. Ralliés aux conquérants moghols, par la force des armes ou par persuasion (souvent
financière ou territoriale), ces chefs guerriers s’efforcèrent dans leur palais fortifié d’imiter la magnificence de la cour impériale – longtemps après le déclin de la dynastie Moghol.
Ainsi, en plein milieu du XIXe siècle, un prince cavalier, précédé de ses armes portées par des serviteurs, accompagné de ses chiens et suivi avec déférence par des vassaux, caracole sur un
fond jaune vif souligné lignes d’arbres et de fleurs. Pour notre plus grand ravissement...
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