Voilà plusieurs semaines que nous nous disions que nous devions écrire
un article sur les Banyan trees, ces arbres gigantesques enveloppés de mille racines et très présents à Bombay.
L'idée paraissait simple, quelques clics de recherche, quelques clichés et le tour serait joué et nos lecteurs informés ! Hélas, mal nous en a pris car les recherches ont été une moisson
abondante. Jugez-en par vous-même !
Cette espèce végétale a de nobles racines puisqu'elle appartient au genre "ficus benghalensis". Ce banian (en français) se développe en général autour d'un arbre normal et ses racines
descendent et montent et entourent complètement l'arbre support. Les banyan peuvent vivre 300 ans et occupent une place particulière dans la mythologie hindoue puisque c'est au pied de cet arbre
que le dieu Shiva venait s'asseoir et prier ; il symbolise ainsi la vie éternelle avec ses racines sans fin et c'est un arbre sacré.
Dans la langue Gujarati (Etat du Gujarat au Nord Ouest de l'Inde), le terme bania ne désigne pas l'arbre mais les marchands, et c'est parce que ceux-ci faisaient leurs affaires à l'ombre de ces
grands arbres que l'arbre finit par prendre ce nom de Banyan nom donné par les Portugais.
Du fait de sa propension à multiplier ses racines aériennes, le banyan est utilisé pour faire des bonzai et le plus vieux bonzai du monde (240 ans) est un banyan.
Mais cet arbre plonge aussi ses racines dans la litérature et Daniel Defoe situe la maison de Robinson Crusoe dans un banyan tree. Plus surprenant est cette description faite par Paul Claudel dans "Connaissance de l'Est" (1895-1900)
:
Le banyan tire.
Ce géant ici, comme son frère de l'Inde, ne va pas ressaisir la terre avec ses
mains, mais, se dressant d'un tour d'épaule, il emporte au ciel ses racines comme des paquets de chaînes. A
peine le tronc s'est-il élevé de quelques pieds au-dessus du sol qu'il écarte laborieusement ses membres, comme
un bras qui tire avant le faisceau de cordes qu'il a empoigné. D'un lent allongement le monstre qui hale se
tend et travaille dans toutes les attitudes de l'effort, si dur que la rude écorce éclate et que les muscles
lui sortent de la peau. Ce sont des poussées droites, des flexions et des arcs-boutements, des torsions de
reins et d'épaules, des détentes de jarret, des jeux de cric et de levier, des bras qui, en se dressant et en
s'abaissant, semblent enlever le corps de ses jointures élastiques. C'est un noeud de pythons, c'est une hydre
qui de la terre tenace s'arrache avec acharnement. On dirait que le banyan lève un poids de la profondeur et le
maintient de la machine de ses membres tendus. Honoré de l'humble tribu, il est, à la porte des villages, le
patriarche revêtu d'un feuillage ténébreux. On a, à son pied, installé un fourneau à offrandes, et dans son
coeur même et l'écartement de ses branches, un autel, une poupée de pierre. Lui, témoin de tout le lieu,
possesseur du sol qu'il enserre du peuple de ses racines, demeure, et, où que son ombre se tourne, soit qu'il
reste seul avec les enfants, soit qu'à l'heure où tout le village se réunit sous l'avancement tortueux de ses
bois les rayons roses de la lune passant au travers des ouvertures de sa voûte illuminent d'un dos d'or le
conciliabule, le colosse, selon la seconde à ses siècles ajoutée, persévère dans l'effort imperceptible. Quelque part la mythologie honora les héros qui ont distribué l'eau à la
région, et, arrachant un grand roc, délivré la bouche obstruée de la fontaine. Je vois debout dans le Banyan un
Hercule végétal, immobile dans le monument de son labeur avec majesté. Ne serait-ce pas lui, le monstre
enchaîné, qui vainc l'avare résistance de la terre, par qui la source sourd et déborde, et l'herbe pousse au
loin, et l'eau est maintenue à son niveau dans la rizière ? Il tire.
On trouve encore le banyan dans le blason de l'Indonésie et la Royal Navy ainsi que son homologue australien utilise le terme banyan pour
désigner un barbecue fait sur une plage, ou tout simplement un barbecue.
Voila, vous en savez maintenant autant que nous sur cet arbre aux infinies racines..
Les deux dernières photos ont été prises à quelques mêtres de notre appartement et à chaque fois que Geoffroy et moi passons devant, nous avons l'impression de voir à la place des
racines, qui n'ont pas besoin de beaucoup de terre pour grandir, de longs cheveux qui pendent !!!
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